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« Trop, c’est trop ! » : appel au côté de Martine Aubry pour « Sortir de l’impasse »

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Il est des vérités désagréables à dire, mais il est des moments où il faut savoir les mettre en pleine lumière.

Martine se fâche, se lâche, et nous remotive tous encore un peu plus pour 2017 dans l’espoir d’une gauche redevenue sociale.

Vous trouverez ci-dessous son texte ainsi que celui de socialistes, écologistes et universitaires, comme Benoît Hamon, Daniel Cohn-Bendit et Axel Kahn, qui appellent à  » Sortir de l’impasse  » et dénoncent la politique du gouvernement sur l’emploi, les migrants et la déchéance de nationalité.

Avec un fil directeur :

Que restera-t-il des idéaux du socialisme lorsque l’on aura, jour après jour, sapé ses principes et ses fondements ?!

Je m’inscris dans cette charge en forme de réquisitoire.

F. Frichet,

Il est des vérités désagréables à dire, mais il est des moments où il faut savoir les mettre en pleine lumière. Trop, c’est trop ! Les motifs d’insatisfaction sur les politiques menées depuis 2012 n’ont pas manqué, et nous-mêmes, comme d’autres, n’avons pas manqué d’alerter. Depuis quelques mois, ces désaccords se sont mués en une grande inquiétude. La colère populaire s’est confirmée sans appel par quatre défaites électorales successives. Ce n’est plus simplement l’échec du quinquennat qui se profile, mais un affaiblissement durable de la France qui se prépare, et bien évidemment de la gauche, s’il n’est pas mis un coup d’arrêt à la chute dans laquelle nous sommes entraînés.

Bien sûr, nous n’oublions pas les succès de la COP21, la priorité donnée à la lutte contre les inégalités à l’école, les avancées de la loi santé. Mais, à côté de cela, que de reculs !

La gauche avait déjà assisté, incrédule, en janvier  2014, au pacte avec le Medef qui se révéla un marché de dupes. Nos mises en garde avaient alors été ignorées. Nous aurions aimé nous tromper. Malheureusement, de l’aveu du premier ministre lui-même, la réalité, tellement prévisible, est là : 1 million d’emplois promis, quelques dizaines de milliers tout au plus effectivement créés. Bien sûr, il fallait aider à la reconquête de la -compétitivité de nos entreprises, mais pour cela il eût fallu cibler les aides sur celles exposées à la concurrence internationale et les lier à des contreparties précises.

Des milliards mobilisés pour rienCes 41  milliards d’euros mobilisés pour rien, ou si peu, auraient été si utiles à la nouvelle économie, à l’écologie, à l’éducation et à la formation, aux territoires, à l’accès à l’emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, au pouvoir d’achat, aux investissements publics et privés et donc aux carnets de commandes des entreprises. A chaque étape et par des voies multiples, nous avons fait des propositions précises pour relancer la croissance et l’emploi dans le cadre d’un nouveau modèle de développement social et écologique, et d’une réorientation de l’Europe, attelons-nous-y !

Puis, nous nous sommes vu infliger, à l’hiver 2015, ce désolant débat sur la déchéance de nationalité. Pourtant la France, autour du président de la République, s’était montrée digne et forte après les attentats de janvier comme de novembre. Nous avons approuvé l’état d’urgence comme le renforcement des moyens d’action de nos forces de l’ordre et des services de renseignement face à une menace terroriste d’un niveau sans précédent. A Versailles, le président de la République a émis l’idée d’une peine de déchéance de nationalité pour les terroristes. Très vite, chacun a compris l’impasse : réservée aux binationaux, elle est contraire au principe d’égalité ; appliquée aux mono-nationaux, elle fabriquerait des apatrides. Et, si ce débat nous heurte tant, c’est qu’il touche au fond à notre conception de l’identité de la France. Pour la gauche, l’identité française doit être républicaine, elle se définit comme une communauté non pas d’origine, mais de destin, fondée sur les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.

évitons cette fêlure profondeLe texte adopté par l’Assemblée nationale a gommé les aspérités sans en supprimer les effets, et en les aggravant en étendant la déchéance de nationalité aux délits. Mis entre les mains de gouvernements futurs mal intentionnés, il ouvre la voie à toutes les dérives. Aller au Congrès de Versailles dans ces conditions serait une fêlure profonde pour la gauche et d’ailleurs aussi pour certains démocrates. Evitons-la. Substituons à cette déchéance de nationalité une peine de déchéance de citoyenneté ou d’indignité nationale inscrite dans la loi, frappant tous les terroristes quelle que soit leur origine.

Par une regrettable accélération du temps, la semaine dernière, ce fut la meurtrissure de l’indécent discours de Munich, à propos des réfugiés. Se revendiquer d’une liberté de ton n’autorise pas tout. Non, Angela Merkel n’est pas naïve, Monsieur le premier ministre. Non, elle n’a pas commis une erreur historique. Non, elle n’a pas mis en danger l’Europe, elle l’a sauvée. Elle l’a sauvée du déshonneur qui aurait consisté à fermer totalement nos portes à toutes ces femmes, ces hommes et enfants fuyant les persécutions et la mort et en oubliant ceux qui chaque jour perdent la vie en Méditerranée.

La fermeté, c’est le langage qu’il faut tenir à ceux des Etats européens qui s’exonèrent de toute solidarité, de toute responsabilité à l’égard des réfugiés. La France ne doit pas être de ceux-là. La France, quand elle s’appuie sur ces valeurs comme elle l’a fait dans son histoire, en accueillant les opposants des dictatures par exemple, est un pays respecté, admiré et aimé. Cela oblige les femmes et les hommes qui le dirigent. La mission de la France n’est pas de dresser des murs, mais de construire des ponts. Sans nier un seul instant l’ampleur du problème, nous attendons de la France qu’elle se tienne aux côtés de ceux qui agissent.

Et, aujourd’hui, voici que l’on s’en prend au code du travail ! La gauche a appris des mouvements ouvriers qu’il n’y a pas de liberté sans égalité. Ce n’est pas une affaire de tabous. Le droit n’enferme pas, il libère. Il libère en arrêtant la liberté des autres où commence la sienne. Il libère en apportant aux plus faibles les droits qui visent à rééquilibrer les rapports dans l’entreprise.

C’est pour l’avoir ignoré que, partout au sein de la gauche, l’avant-projet de loi dit  » El Khomri  » a provoqué non plus de la déception, mais de la colère ! C’est toute la construction des relations sociales de notre pays qui est mise à bas en renversant la hiérarchie des normes, et en privilégiant l’accord dans l’entreprise dans un pays où le taux de syndicalisation est faible et où le patronat n’a jamais aimé la négociation. Les salariés vont subir un chantage permanent et les entreprises seront soumises à des distorsions de -concurrence, alors que l’accord de branche unifie les conditions générales de travail pour les entreprises d’un même secteur. Et à qui fera-t-on croire qu’en multipliant les facilités de licenciements, comme le prévoit le projet de loi – limitation du pouvoir d’appréciation du juge sur le motif économique, prise en compte des seules filiales françaises pour apprécier les difficultés économiques d’une multinationale, plafonnement à un niveau très bas des indemnités prud’homales pour licenciement abusif… –, oui, à qui fera-t-on croire qu’on favorisera ainsi l’emploi ? Réduire les protections des salariés face au licenciement conduira plus sûrement à davantage de licenciements !

Qui peut imaginer que, en généralisant les possibilités de ne plus payer les heures supplémentaires en heures supplémentaires – calcul sur trois ans de la durée du travail, rémunération au forfait dans les PME, possibilité de déroger à un accord de branche pour les majorations… –, on améliorera la situation de l’emploi en France ? Qui peut faire croire qu’augmenter le temps de travail va diminuer le chômage ? Moins de pouvoir d’achat pour les salariés, moins d’embauches pour les chômeurs en cas de surcroît d’activité, est-ce bien cela que l’on veut dans un pays de plus de 3,5  millions de chômeurs et dont les entreprises souffrent de carnets de commandes trop peu remplis ?

Que le patronat institutionnel porte ces revendications, pourquoi pas, même si elles nous paraissent en décalage avec ce que nous disent les entreprises sur le terrain. Mais qu’elles deviennent les lois de la République, sûrement pas ! Pas ça, pas nous, pas la gauche !

il faut de vraies réformesBien sûr, comme tout texte de régulation, le code du travail doit évoluer, au regard des changements du monde, mais sans affaiblir sa force protectrice. La gauche doit porter en la matière de grandes réformes, sources de compétitivité pour les entreprises et de progrès social pour les salariés, telles que la sécurité sociale professionnelle, qui permettent à chacun au XXIe  siècle de rebondir en cas de difficultés, sans passer par la case chômage, et de progresser tout au long de sa vie professionnelle.

Et puis, disons-le, la méthode n’est plus supportable. On brandit à nouveau la menace de l’article  49-3. Et alors, nos députés en désaccord doivent-ils dire que, dans ce cas, ils voteraient la censure ? Tout cela est déraisonnable. Une France gouvernée sans son Parlement est mal gouvernée. La démocratie est atteinte. Redonnons tout son pouvoir au Parlement, respectant ainsi la Constitution, les textes qui en sortiront n’en seront que meilleurs et leur légitimité renforcée.

Les valeurs, l’ambition sociale, les droits universels de l’homme, l’équilibre des pouvoirs, que restera-t-il des idéaux du socialisme lorsque l’on aura, jour après jour, sapé ses principes et ses fondements ? Nous n’ignorons rien des difficultés du moment, la crise économique, la montée du terrorisme, le réchauffement climatique, les migrations, la crise agricole… Nous n’ignorons rien des difficultés de l’exercice du pouvoir, nous l’avons montré. De l’idéal au réel, il y a toujours une distance que, depuis Jaurès, nous assumons d’accepter.

Mais prendre le monde tel qu’il est n’est pas renoncer à le transformer pour le rapprocher sans cesse de ce qu’il devrait être. Encore moins de l’éloigner de toute idée de justice. C’est pourtant ce qui est en train de se passer. Il ne suffit pas de se revendiquer du réformisme social pour en mériter le titre. Il n’y a ni vraie réforme ni social dans nombre de politiques qui sont menées depuis deux ans. On y trouve des propositions puisées dans le camp d’en face, qui n’ont rien de moderne, et qui sont inefficaces. Et, puisqu’on nous parle du serment de Versailles, rappelons-nous de celui du Bourget, mis à mal une fois de plus, et qui pourtant fonde la légitimité au nom de laquelle le pouvoir est exercé depuis 2012.

Pour sortir de l’impasse, il faut de vraies réformes, synonymes de progrès économique, social, écologique et démocratique. Elles doivent être porteuses d’émancipation pour chacun et de vivre-ensemble pour tous. C’est ce chemin qu’il faut retrouver ! Celui de la gauche, tout simplement !

© Le Monde
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